Ultime étape de cette Centrionale à l’exact opposé de la précédente : aucune incertitude météorologique et un parcours très agréable dès les premiers tours de roue.
La randonnée débute aux premières lueurs de l’aube par la remontée de la vallée du Cusancin, ruisseau tournicotant et sautillant de pierres en pierres, bordé par une route étroite serpentant dans une forêt de feuillus accrochée sur des versants abrupts.
Au-delà de » la source bleue « , attraction touristique locale, la vallée se resserre encore plus et les falaises ne laissent qu’un étroit passage à une mauvaise route et au lit d’un ruisseau intermittent, qui ne coule qu’à la fonte des neiges ou lors de longs épisodes pluvieux.
C’est en effet une des particularités de la Franche Comté, région où les pluies sont pourtant abondantes, le réseau hydrographique de surface est très peu dense en raison de la nature karstique du terrain. Souvent les eaux de ruissellement disparaissent dans les profondeurs de la terre, quitte à réapparaître plus loin, l’exemple le plus fameux étant celui de la résurgence de la Loue.
Pendant une quinzaine de kilomètres sur ce chemin incertain, je goûte au silence absolu dans un lieu presque imperméable à la lumière. Dans les tréfonds de ce canyon qui pourrait être né de l’imaginaire d’un conteur d’histoires fantastiques, j’ai l’impression d’être hors du temps. En me laissant aller, je ne serais pas étonné de pouvoir ici bientôt converser avec les escargots.
Puis à l’approche de Sancey le Long, la vallé s’élargit, laissant place à des hameaux regroupant quelques fermes contoises typiques avec leurs ponts de grange et leurs impressionnantes toitures abritant autrefois le fourrage, les étables et les paysans.
Plus loin, je dois escalader un beau raidard, pour atteindre Belvoir, connu pour son petit château posé sur un éperon dominant les villages alentour. Passé ce village, je me laisse glisser sur des pentes noyées dans le brouillard et atteint sans effort Pont de Roide, gros bourg à deux pas de la frontière suisse.
Vers Mesliere, s’amorce la remontée brutale vers le plateau. Le souvenir de cette côte me revient : nous l’avions déjà gravie avec Jean-Luc à la fin d’une étape éprouvante sur la diagonale Perpignan/Strasbourg. Je m’entends encore annoncer les pourcentages qui ne cessaient d’augmenter sur le GPS au fur et à mesure de notre ascension, jusqu’à atteindre les 14%. J’ai 67 ans aujourd’hui, et même si je dois suer sang et eau pour honorer le contrat, je me dois de ne pas poser pied à terre. Avec un peu de volonté, le pari est tenu !
À Croix, je m’amuse d’une promesse d’indulgence gravée au pied d’un crucifix pour reduire le séjour au purgatoire. Le « tarif » est de cinq ans de remise de peine pour trois « Pater noster ». À la reflexion, c’est bien peu au regard de l’éternité et à bien y réfléchir, effrayé à l’idée de m’ennuyer avec les chérubins et les « plus que parfaits », je m’abstiens de toute patenôtre. Passer l’éternité avec mes semblables me semble être le meilleur compromis pour ne pas trouver le temps trop long.
Après Delle et quelques bosses, je pénètre dans le Sungdau, où commencent les villages proprets et les coquettes maisons colorées à colombages.
Bien qu’une tour Eiffel se dresse au coeur du village de Waldighofen, je suis maintenant en Alsace où je boucle avec un certain plaisir la quatrième Centrionale de l’année 2021.