Membre depuis 2005 de l’Union Cyclotouriste de Touraine (U.C.T), je participe avec quelques amis cyclos à la réalisation d’un album photos sur notre club, un des plus anciens de France.
Notre ambition est de raconter par l’image un peu de son histoire et de montrer son évolution depuis sa création en 1930.
Les conditions particulières du moment liées à la pandémie nous permettent de nous consacrer totalement à ce projet et de nous plonger dans cette très longue et souvent belle histoire.
Écoutons notre mascotte, l’ami Octave Clavette qui va vous la raconter …
La veille de l’annonce du confinement, pressentant que la gravité de la crise sanitaire nous obligera à un isolement de longue durée, je me précipite au siège de l’U.C.T.
Tel un malfaiteur, je fouille les armoires et entasse dans plusieurs caisses des boîtes poussiéreuses et quelques ouvrages reliés. Ce méfait accompli, je rapatrie mon butin à la maison. Pas vu, pas pris !
Chacun sait les dérives irrationnelles observées dans ces moments de panique où la valeur du papier hygiénique et des pâtes alimentaires grimpe aussi vite que chutent les cours de la bourse.
Alors, comment expliquer cette razzia sur ces albums photos poussiéreux, sur ces enveloppes remplies de vieux clichés et sur cet amas de boites hétéroclites contenant des diapositives oubliées là depuis des années ?
Juin 2020, 90 ans et toujours en forme…
La raison tient à un évènement d’importance : l’Union Cyclotouriste de Touraine sera bientôt nonagénaire. Aussi, pour marquer cet anniversaire et prouver notre attachement à notre vénérée aïeule, avec quelques amis cyclistes du club nous avons entrepris de raconter son histoire depuis sa naissance, en Juin 1930 à partir du fatras de souvenirs récupérés.
Le désordre d’archives accumulées, déplacées à moult reprises, est encore aggravé par ce déménagement à la sauvette. Je crains que la reconstitution chronologique de l’histoire en soit affectée.
Puisqu’il faut bien commencer à trier les images pour concrétiser le projet d’album-photo dédié à la vieille dame, j’entreprends de regarder ces vieilleries.
Dans un enchainement assez chaotique, je découvre d’abord des jeunes gens cravatés attablés à l’occasion d’une assemblée générale dans un restaurant dont le décor évoque les années cinquante. Dans un autre album, lorsqu’ils ne sont pas à vélo, des jeunes hommes portant le béret posent au bras de leurs compagnes coiffées avec des coupes à la garçonne à la mode des années trente.
Au fur et à mesure de l’ouverture des boites apparaissent aussi des vélos d’un autre âge et des tandems. Pour leurs propriétaires, cette promesse de voyage à deux est assurément une arme de séduction.
J’admire un couple de jeunes. Elle, est jolie. Lui, a une belle allure. Sur de son charme avec sa distinction naturelle, Il pose avec sa compagne sur un tandem rutilant sans doute à peine sorti d’usine. Alors très fleur bleue, j’imagine l’histoire d’amour que suggère la photo. Une annotation au dos me renseigne sur leur nom ; en les regardant je me surprends à envier leur jeunesse.
J’alterne le tri des photos et la lecture des bulletins de liaison « Cyclotouraine » dont la première parution remonte à 1932. D’année en année, les anciens les ont consciencieusement reliés et cette habitude heureusement perdure.
En les parcourant, je perçois dans l’unique feuillet dactylographié de 1942, la noirceur des années d’occupation. Les ucétistes solidaires de leurs 40 camarades mobilisés évoquent les colis envoyés aux prisonniers et le souvenir de leurs compagnons disparus aux premières heures du conflit.
Plus loin, les signatures de récits de voyage ou de sorties de groupe me rappellent certains personnages identifiés sur des photos. Un nom que je croyais réservé au nain de la cour de Blanche-Neige apparait à intervalles réguliers, celui du président JOYEUX. Avec un nom pareil, un mandat de 26 ans n’a rien d’étonnant.
Les grands voyageurs
Entre photos et lectures, peu à peu je fais connaissance avec ces voyageurs intrépides qui dès la fin des années trente parcourent l’Europe en tous sens. Certains entreprennent un périple vers le Portugal de Salazar, d’autres sillonnent l’Europe du Cap Nord à Gibraltar et de l’Irlande à la Bulgarie en franchissant le rideau de fer.
L’histoire de ces aventuriers souvent solitaires s’étale sur plus de trois décennies et se poursuit jusqu’au milieu des années soixante-dix.
Rien ne semble pouvoir les arrêter dans leur quête de découverte, ni les routes défoncées, ni leurs machines lourdes aux sacoches bien gonflées, ni l’inconfort à la halte du soir. Un fil tendu entre deux piquets soutient une bâche faisant office de tente, une casserole en aluminium posée entre trois pierres sert pour cuisiner et la nuit se passe à même le sol avant d’attaquer la prochaine étape. Voilà le lot quotidien de ces voyageurs au long cours.
J’apprends par hasard les marques de respect qu’ils se témoignent de génération en génération. Sur une trentaine d’années, deux voyageurs solitaires et un couple dépassent le cercle arctique et atteignent même le Cap Nord. Pour rendre hommage au premier d’entre eux décédé quelques années plus tôt, un couple ramène une pierre ramassée sous cette latitude extrême et vient la déposer sur la tombe de leur prédécesseur.
Sur les hauteurs de Candes
Au hasard de cette collecte, je regroupe les photos de la traditionnelle rencontre qui dure depuis neuf décennies. Mêmes imparfaites, certaines me semblent assez symboliques.
Dans l’alignement approximatif des tentes couvrant la prairie au pied des ruines du moulin, je perçois le goût de liberté et le plaisir d’être ensemble que des jeunes sont venus chercher ici un jour de 1931.
En regardant une photo plus tardive du passage de la Vienne par le bac, il me semble entendre les discussions joyeuses préludant à cette fête du solstice et de la rencontre.
Sur un cliché plus récent les tentes se sont raréfiées, mais les retrouvailles avec le cérémonial des fraises au vin et les crêpes continuent, histoire de perpétuer la tradition et de se remémorer ceux qui sont venus et qui désormais ne peuvent plus être là.
Enfin, dans cette pêche photographique, une image presque contemporaine parvient à m’émouvoir : C’est celle d’un vieil homme, illustre randonneur, courbé par l’âge. Il s’éreinte à remonter péniblement son vélo sur la pente du chemin grossièrement pavé pour atteindre ce lieu auquel sont attachés tant de ses souvenirs.
Et je sais que lorsqu’il arrivera là-haut, pour se régénérer il contemplera un instant le site de la confluence, puis il commencera à préparer des crêpes pour toute l’assemblée, comme il l’a toujours fait.
Les grands voyages
À partir du milieu des années soixante, la moisson photographique est plus abondante.
Elle témoigne des voyages de groupe organisés pour permettre aux Ucétistes de rejoindre, au départ de Tours, les villes jumelées en Allemagne, en Espagne ou en Italie. C’est ainsi qu’entre 1965 et 2009 les Ucétistes atteignent Mulheim (à trois reprises) Ségovie et Parme.
Les premiers, en 1965, devront parfois s’arrêter devant la barrière d’un passage à niveau pour laisser passer une locomotive filant à toute vapeur en crachant ses volutes de fumée et d’escarbilles mêlées. Les mêmes arrêtés par une autre barrière devront présenter leurs papiers aux douaniers car à cette époque les frontières existent encore. Les derniers arriveront sans entrave dans l’Allemagne réunifiée de l’espace Schengen.
En d’autres temps, Lisbonne, Amsterdam et Munich sont aussi d’autres destinations visitées à la force du mollet.
Les semaines fédérales
Parfois certains visages connus rajeunissent ou au contraire vieillissent au fil des semaines fédérales qui se succèdent de manière aléatoire en fonction du désordre des boites dans lesquelles je puise. Parfois, je retrouve quelques commentaires griffonnés sur un papier ou soigneusement dactylographiés glissés dans une boite destinée à une projection.
Les marcheurs
Au hasard de mon examen, j’observe les évolutions d’organisation et de désignation de la marche annuelle organisée par le club, appelée un moment la « randonnée pédestre tourangelle ». Nous la connaissons maintenant sous l’appellation « Tours/Montlouis/Amboise/Tours ». Mais que la photo soit en noir et blanc ou en couleur, argentique ou numérique, depuis toujours on marche et depuis déjà longtemps on y pédale aussi.
Randonnées lointaines et mythiques
Au fil du temps qui passe, je constate que l’appétence pour les randonnées longue distance, initiées par les grands voyageurs des années cinquante n’a pas diminuée. Sur ce genre de voyages les femmes ne sont pas en reste, tant pour les longs brevets que pour les diagonales ou Paris/Brest/Paris. Quelques photos de randonnées mer- montagne ou d’échappées en petit groupe entre Thonon les Bains et Trieste et quelques autres destinations plus exotiques montrent que beaucoup ont choisi de vagabonder hors de la Touraine et du val ligérien.
Une randonnée imaginaire…
En essayant de recoller les morceaux de ce puzzle et d’ordonner ces images, une évidence m’apparait : pour raconter cette histoire, replacer les événements dans la chronologie de leur déroulement ne suffit pas.
L’essentiel est ailleurs, l’album pour célébrer la vieille dame doit montrer les valeurs communes partagées par plusieurs générations d’ucétistes.
Certes, le temps a passé et les jeunes cyclistes en tandem des congés payés avec leurs culottes de golf et bérets ne ressemblent plus guère aux seniors encore alertes d’aujourd’hui casqués et revêtus de l’uniforme du club.
Alors, je me prends à rêver. Par magie le temps se condense et escamote même les quatre-vingt-dix années écoulées au point de permettre l’organisation d’une randonnée commune où se rassemblent toutes les générations d’ucétistes.
Les jeunes à bérets d’hier rejoignent les seniors casqués d’aujourd’hui. Avides de sensations nouvelles, tous se mêlent et décident d’échanger leurs montures ! les « anciens jeunes » n’en reviennent pas d’être accrochés aux pédales, de voir la route s’afficher sur un écran, tandis que les « nouveaux anciens » chevauchant les tandems s’étonnent d’arriver à propulser ces drôles de machines.
Bien vite, les groupes se forment et partent pour une belle chevauchée, occasion supplémentaire pour converser et faire éclore de nouvelles amitiés, voire plus si affinités…
Juin 2020
Octave Clavette *
Octave Clavette est un petit personnage créé par un adhérent de l’UCT dans les années 1960. Il est la mascotte de notre club
Une réflexion au sujet de « Union Cyclotouriste de Touraine, un des plus anciens club vélo français »
J’imagine ce que sera le résultat écrit de toutes tes recherches (et celles de tes amis Ucétistes), Gégé. Déjà que ce premier résumé est un régal à lire !
L’U.C.T. a été et est un toujours un grand club dans la tradition du Cyclotourisme, même si comme un peu partout, sa moyenne d’âge a forcément augmenté. Je pense qu’avec tes amis, tu peux être fier de lui appartenir et de faire perdurer ses valeurs.