Le Blog de Gégé

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22/03/2020

Éclatante victoire de Gegediagoniste sur la « CORONA RACE »

En cette période de confinement permettez-moi de vous raconter une histoire. C’est celle de la fameuse « CORONA RACE » unique épreuve où j’ai triomphé.

Vous penserez peut-être qu’en en faisant état,  je manque de modestie mais quand vous connaitrez les conditions de  l’exploit, je suis certain que vous me pardonnerez de m’en être glorifié.

Alors, bonne lecture

 

Vous connaissez sans doute la R.A.M, « Race Accross America », épreuve mythique consistant à traverser les États-Unis, d’Ouest en Est, en une dizaine de jours.

Vous avez peut-être entendu parler de la « Transcontinental Race » du même tonneau remportée l’année dernière par une jeune allemande. Là, les concurrents partis d’une ville bulgare riveraine de la mer noire doivent rejoindre Brest en quelque jours.

Mais vous ignorez sans doute tout de la « Corona Race » dont je vais vous entretenir.

Même si cela peut vous paraitre prétentieux, car j’en ai été le seul témoin, je vais vous présenter la « Corona Race » que je me flatte d’avoir remportée en solitaire après avoir durement bataillé. Si vous avez la patience d’aller jusqu’au terme de cet article vous saurez comment j’ai pu triompher avec un tel brio.

Mais d’abord, vous sachant avides de technique et de tactique, je vais vous décrire les conditions de cet exploit. 

Le matériel et la condition physique

Soucieux de mettre toutes les chances de mon côté, je ne souhaite pas risquer les déconvenues inhérentes à l’innovation sur un défi de cette ampleur. Aussi, je conserve le vélo utilisé habituellement sur mes grands périples : vélo de randonnée avec triple plateaux 50/40/30 et cassette 13/30, appropriée aux difficultés que je vais rencontrer.

Cela n’exclut pas des réglages pointus de dernière minute. La seule modification qui me semble judicieuse, et dont les conditions de l’épreuve montreront le bien-fondé, consiste à basculer ma selle de 0,26 degré vers l’arrière pour compenser une récente prise d’embonpoint.

En effet, j’ai constaté au moment de la pesée du champion que l’inaction de ces derniers jours a entrainé une petite augmentation du bedonnement, conséquence de l’accroissement de ma masse graisseuse. Pour le même motif, j’ai subi une perte de masse musculaire un peu supérieure à la masse graisseuse gagnée.

Donc vous l’aurez compris, je pars avec un léger handicap qui ne laisse en rien augurer cette glorieuse victoire. Du coté des chevilles, légèrement enflées au départ, elles n’ont cessé de grossir depuis.

Vous voilà également renseignés sur ma condition physique.

Pour soigner l’aérodynamisme et favoriser la pénétration dans l’air, je choisis également de basculer mon casque de 0,26 degré, mais cette fois vers l’avant pour compenser l’inclinaison corrigée de la selle. Même si cette précision semble inutile pour tous les compétiteurs chevronnés qui auraient eu naturellement le même réflexe, je me dois d’expliquer ce détail aux néophytes. Entre champions, on se comprend…

L’intendance

l’intendance : Prévoir le nécessaire pour une bonne hydratation

Tous les grands randonneurs le savent, une bonne intendance est une des clefs de la réussite des grands défis sportifs.

Je prévois donc tous les équipements adaptés pour me prémunir du froid, de la canicule, des typhons, tornades et des tsunamis lors d’éventuels passages en zone littorale. Toutefois, pour le canot de sauvetage et l’extincteur je fais l’impasse. Il faut savoir vivre dangereusement !

Si ces équipements dilatent quelque peu mes bagages, l’embonpoint des sacoches ne parvient pas à nuire à l’aérodynamisme de l’ensemble. Les rares clichés de cette épreuve témoignent si besoin est de l’accouplement idéal homme/machine.

La prudence, la prévoyance et une certaine aptitude au bricolage sont le propre des grands randonneurs. Aussi, je pars muni de 12 chambres à air, 3 pneus de secours, 75 rustines et 50 cl de dissolution ainsi qu’une chaine de rechange. Pendant un temps, j’hésite à prendre une petite enclume avec les accessoires ad-hoc (soufflet, masse pinces et outils divers). Je ne peux pas exclure d’avoir à réparer ma fourche comme Eugène Christophe un siècle plus tôt.

Mais j’ai l’intuition que le carbone se forge assez mal aussi je choisis de renoncer à emporter cet atelier d’appoint.

La réflexion fait parfois la différence entre les compétiteurs…

Certes, je pars un peu plus chargé qu’à l’accoutumée, mais c’est le poids à payer pour partir serein et me sentir prêt à affronter tous les obstacles qui ne manqueront pas de se présenter.

Le mental 

Tenter de relever le défi de la « Corona Race » relève du hasard des circonstances. En d’autres temps jamais je n’aurais osé me lancer sur pareille aventure.

Cette épreuve est en quelque sorte un challenge de substitution puisqu’une escapade d’environ 1000 kilomètres, où nous devions enchainer deux centrionales était programmée dans les prochains jours. Elle devait être un entrainement avant notre départ pour deux Eurodiagonales en Italie prévues en Mai et annulées pour les raisons sanitaires que nous connaissons.

En me concentrant très fortement, je fais ce que j’appelle un transfert de mental. L’énergie emmagasinée pour les périples initialement prévus me permet finalement de sortir le home-trainer empoussiéré oublié depuis des années au fond de l’atelier.

La course 

Tellement concentré vers le but que je me suis fixé, je ne remarque même pas sur le pas de départ l’absence du public qui vient traditionnellement encourager les coureurs. Dans mon esprit, entièrement tourné vers l’objectif à atteindre, je ne prends pas la peine de jauger l’état de forme de mes concurrents et ne me retourne pas même une seule fois pour les voir.

Puis vient le moment du départ.

Dès les premiers tours de pédale, sur de ma forme, je comprends que désormais rien ne pourra m’arrêter. Une seule obsession, tourner les jambes, tourner… tourner le plus vite et le plus longtemps possible. Tendu par l’effort, je me sens invincible. Rien, ni personne, ne peut me détourner de cet objectif, tourner, tourner encore et toujours, tourner les jambes jusqu’à atteindre l’inaccessible.  

Le sponsor de l’épreuve « les Bières Corona », percevant cette forte motivation et voyant en moi le support publicitaire idéal que je pourrais être tente bien d’attirer mon attention, mais plus porté vers la « Goudale » ou à défaut « Affligem », je l’ignore superbement.

Histoire de bien montrer à cet opportun que je ne suis pas un objet mercantile mais un authentique champion désintéressé, je décapsule ostensiblement pour m’hydrater les bières cconcurrentes que j’affectionne. Le voilà bien attrapé lui qui avec sa caméra espérait me surprendre dans l’effort avec un flacon de cette mauvaise « Corona ».

L’œil rivé sur le camélia en fin de floraison et sur le lilas qui commence à bourgeonner, je tourne les jambes longtemps, longtemps, très longtemps ….

Puis insensiblement le parcours axé vers le camélia semble s’infléchir vers les poubelles coincées vers le portail. Tandis que je décapsule la vingt et unième bouteille du deuxième pack de « Goudale », je me dis que je me suis peut-être trompé de route, d’autant que, lorsque je me retourne, je ne vois aucun poursuivant débouchant par la porte de l’atelier.  

Mais en jetant un œil sur le G.P.S, j’observe que le cap est maintenu, toujours Sud-Sud/Ouest.

Rassuré, constatant que je fais course en tête, je redouble d’efforts en me disant que la prestigieuse « Corona Cup » est peut-être à portée de roue.

Euphorisé par la perspective de gagner, puisque les « Goudale » sont maintenant épuisées, j’attaque le premier pack d’« Affligem » ; surtout bien s’hydrater, c’est essentiel

Toute La nuit, tel Pédalator en furie, je pédale à 150, 160 puis bientôt à 170 tours/minute. Lorsque l’aube point, je constate que le G.P.S alimenté par mon moyeu dynamo affiche 300 tours/minute et vacille comme une ampoule en surtension, je ralentis un peu le rythme.

Tout champion doit être conscient de ses faiblesses, je sais que le petit matin est souvent pour moi le moment le plus difficile alors je modère un peu l’effort. Mes compagnons de route et les trottoirs de la ville de Becherel, lors du dernier Paris-Brest-Paris peuvent témoigner de ma malheureuse tendance à fléchir au lever du jour.

Ce cap difficile passé, pendant ces longues heures je pédale le nez dans le guidon ne prenant guère le temps de regarder le paysage. Je peux seulement dire que le camélia et les poubelles sont toujours aussi lointains. La route est longue, très longue, presque aussi longue que cette histoire…

 

Je vous épargne le récit des heures de selle qu’il me faut encore pour atteindre le but. Sachez simplement que pour maintenir l’hydratation (à raison de deux binouzes à l’heure) l’épreuve dure si longtemps qu’il s’en faut de peu que je meure le gosier sec, soudé à la selle.

Mon stock de liquide hydro-alcoolique s’est tellement amenuisé, qu’en arrivant, il ne me reste plus qu’un quart de l’avant dernière canette du deuxième pack d’« Affligem ». Comble de malchance, le décapsuleur vient de tomber par un interstice sous les lames en bois de la terrasse. Je suis à deux doigts d’échouer alors que j’approche du but…

Envers et contre tout, la chance revient et m’accompagne comme elle peut pour aller jusqu’au bout du bout.  Finalement je franchis la ligne d’arrivée sans gloire, bras écartés au sol et face contre terre plutôt que bras levés vers le ciel en signe de triomphe. Je n’ai pas choisi : les vibrations du pédalage à un train d’enfer ont eu raison des fixations du vélo sur le home-trainer. L’ensemble homme/machine qui faisait corps jusque-là vient se désintégrer avec fracas sur la ligne d’arrivée. Mais la ligne est passée…

On retiendra de cette course, vouée à rester dans les annales tant elle est atypique, que c’est la première fois qu’un cycliste gagne une épreuve par K.O à l’arrivée !

 

Épilogue

Savez-vous comment j’ai repris conscience un peu plus vite après cette chute ?

Lorsque je vois ce diable de sponsor « Corona » penché sur moi, toujours obstiné à me proposer son horrible breuvage, je me relève aussitôt :

  • Une petite « Corona », ça vous fera du bien !
  • Plutôt crever ! Donnez-moi une « Mort subite »

Décidément ce sponsor n’aura pas ma peau…

 

P.S : Je remercie les Marques « GOUDALE », « AFFLIGEM » et « MORT SUBITE » citées sans aucune arrière-pensée.

Elles peuvent néanmoins m’adresser un chèque qui sera déposé sur mon compte en Suisse. Leur contribution permettra de remettre en état mon casque durement éprouvé par la chute.



10 réflexions au sujet de « Éclatante victoire de Gegediagoniste sur la « CORONA RACE » »

  1. Recit tres prenant
    Belle epreuve, peu connue certe mais a laquelle j aurai aimé y participer…ce n est peut-être que partie remise.

  2. Merci GG pour ce magnifique récit palpitant dont j’ai beaucoup apprécié la…. chute!!!!
    La soif de vaincre!!!!!

  3. Merci de nous avoir fait vivre ce grand moment de cyclobiérofolie. Tu m’encourager pour la Diagonale que j’ai programmée, départ demain à 4h du commissariat de Chimay pour rejoindre Orval. Si cette première se passe bien, jeudi ce sera Orval-Rochefort, vendredi ce sera repos et samedi Rochefort-Chimay, j’aurai ainsi bouclé le triangle belge. Merci d’avance à tous ceux qui voudront bien m’encourager. J’ai ouvert une cagnotte en ligne, en liquide moussant bien évidemment.

    1. Toujours aussi éloquent mon Gégé, je suis bien content de relire cette plume qui nous donne toujours cette joie de vivre !

  4. Gérard. Un grand merci, grâce à toi et ta photo j’ai pu remonter mon home traîner dans le bon sens. J’ai honte !
    Un conseil : doucement sur les « binouzes ». Prends exemple sur notre  » Randonneur Vendômois » qui lutte contre le vrai CORONA. Son IMC n’est que de 25.4 et il suit les conseils d’Olivier LEFAY ! Amitiés. Christian.

    1. Gégé, tu as vraiment trop abusé des « binouzes »… C’est du grand délire, mais on est captivé jusqu’au bout par le superbe récit palpitant de cette course inédite dont on ignore complètement l’issue. Ouf, tu finis vivant… « Corona » n’a pas eu ta peau et tu n’es pas allé jusqu’à la « Mort subite ». Mais je me demandais vraiment comment tout cela allait se terminer !
      Merci de nous avoir bien fait sourire en cette période incertaine. Ton talent d’écrivain prolifique et de conteur captivant est intact pour notre plus grand plaisir…

  5. Passionnante cette histoire de pot belge …
    En juin prochain (???) pourquoi ne pas goûter à la Bière Le Bigault du côté de Callac ?

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