L’idée d’un Dodécaudax covidesque
Depuis 2013, je participe au challenge du Dodecaudax consistant à randonner sur une distance minimale de 200 km chaque mois. Chaque cycle de 12 mois consécutifs réalisé constitue un Dodecaudax.
Dans les circonstances présentes, l’idée de poursuivre la concrétisation de ce défi pouvait sembler incongrue, d’autant que je réside dans le centre-ville de Tours, agglomération de près de 300 000 habitants coupée par la Loire et le Cher, franchis par de rares ponts hors agglomération.
Lorsqu’on observe la carte, le défi se complique.
Tours se situe en effet au centre d’une étoile ferroviaire à huit branches et d’un nœud autoroutier qui n’en comporte pas moins de cinq. Cerise sur le gâteau, la ville est ceinturée par un périphérique, mais là aucun motif de récrimination puisque trois décennies plus tôt j’ai participé activement à sa conception et à sa construction.
Autant dire que pour se conformer aux règles sanitaires, la randonnée semblait s’annoncer comme un gymkhana entre zones pavillonnaires ou industrielles, centre commerciaux, stations d’épuration, entrepôts divers et autres curiosités touristiques du même acabit.
Et pourtant avec un peu d’obstination, beaucoup de curiosité et une certaine connaissance des environs, le parcours s’est révélé tout autre.
La randonnée
Elle a débuté avant l’aurore par une virée un peu surréaliste dans l’odeur des fumeroles dégagée par des balles de foin en feu et les lueurs de centaines de chandelles allumées dans les vignes du vouvrillon. Les viticulteurs au travail toute la nuit ont essayé de sauver la future récolte menacée par le gel. En 2018, à la même période nous avions été témoins d’un épisode similaire : des hélicoptères tournoyaient sur le vignoble de Montlouis comme dans une autre version du film « Apocalypse now». Même si cela peut paraitre solennel, à ces soldats du bon vivre, j’aimerais dire ma gratitude d’amateur de Vouvray tranquille !
Le jour levé, prenant soin d’éviter les abords de l’aérodrome et toutes les zones activités alentour, nous avons poursuivi vers l’ouest en traversant de charmants villages encore préservés malgré l’extension pavillonnaire qui les étreint, petit à petit .
Poursuivant notre progression, nous nous sommes faufilés par des chemins étroits en lisière des coteaux surplombant le fleuve royal magnifié par la lumière matinale et printanière. Par ces chemins étroits et secrets, pour certains parcourus pour la première fois (hormis par Catherine qui cumule randonnée pédestre et cyclotourisme), nous avons goûté à la douceur tourangelle faite de paysages paisibles dans lesquels on découvre de vieilles demeures, aussi belles que discrètes, posées comme autant de bijoux dans les écrins de verdure de leurs parcs.
Souvent pour atteindre ces lieux un peu secrets, nous avons emprunté les chemins escarpés des vallons débouchant vers la Loire en jouant du dérailleur et en sollicitant les mollets. Dans ces cas là quelles que soient nos convictions, à l’avant comme à l’arrière on à tôt fait d’opter pour l’extrême gauche
Puis avant de bifurquer définitivement vers le Nord, nous avons longé les vestiges de l’aqueduc romain de Luynes.
À Mettray, sur la place de ce coquet village où vécut un temps l’enfant bagnard Jean Genêt, hôte involontaire de la colonie pénitentiaire, nous avons fait une pause. Là au pied de l’église et de la mairie, nous avons déballé un thermos de café et un gâteau préparé par mon épouse unanimement appréciés par la pédaleuse et les pédaleurs. Pour être honnête ou plutôt plus complet, le « S » à « appréciés » s’entend pour café et gâteau mais aussi pour café, gâteau et épouse.
Puis reprenant la route, nous sommes arrivés à la Grange de Meslay, vieille grange dîmiere et temple de la musique où à chaque automne le piano de Sviatoslav Richter résonnait entre les énormes piliers de chêne en réjouissant les mélomanes et quelques notables venus se montrer.
Après beaucoup de zigs et au moins autant de zags au travers des vignes et les petits vallons percés de caves troglodytiques, nous avons atteint Vouvray vers midi après avoir basculé depuis les hauteurs de Rochecorbon. Sur les chemins étroits bordés de caves profondes, nous avons pu une fois de plus, dans ce village qui m’est cher, nous émerveiller en contemplant son église romane émergeant des arbres en fleurs
Je pourrais au passage vous conter le charme d’autre lieux de notre parcours, la bien nommée « Vallée Coquette », vous parler des lieux balzaciens de Vouvray évoqués par ce prolifique auteur tourangeau dans « l’illustre Gaudissard » roman que je n’ai pas lu. Et nous pourrions continuer longtemps car nous n’en sommes là qu’à mi-parcours. Mais en continuant ainsi non récit risquerait d’atteindre la longueur d’une œuvre de l’honorable Honoré sans en avoir ni la saveur et la profondeur, ni le talent d’écriture.
Sachez simplement que notre randonnée s’est poursuivie l’après-midi sous un soleil printanier au sud de la Loire. Dans cette une campagne, certes un peu moins bucolique que celle du nord, les nuances de vert tendre des feuillages naissants où éclatent çà et là, pareilles à des feux d’artifice, les cépées blanches d’arbres en fleurs, ont suffi à nous ravir. Puis nous sommes revenus vers les rives paisibles du Cher en les remontant une première fois depuis l’aval avant d’y repartir dans le sens opposé, après une brève incursion à Tours pour traverser.
Le final se devait d’être en bordure du fleuve royal en revenant par la levée protégeant le val des inondations.
De ce belvédère continu, la Loire parée d’un ciel habillé de rares nuages, se laisse admirer telle une belle alanguie.
Le spectacle, presque voluptueux finit par nous faire oublier les conditions particulières du moment et quelques inévitables lieux traversés, défigurés par les nuisances d’une urbanisation parfois mal maîtrisée. N’est-ce pas là l’essentiel ?
Et pour finir…
En bouclant ainsi son premier 200 km, Pascal a pu fêter son entrée dans le club des randonneurs au long cours. Pareil évènement méritait d’être dignement célébré.
Notre pédalée s’est donc achevée comme dans un album d’Astérix avant que ne sonne le tocsin des 19 heures. Pour marquer la réussite de « l’aspirant dodédaudaxien », nous avons éclusé quelques cervoises choisies, d’une origine nettement plus septentrionale que la Touraine. Il faut bien reconnaitre que leur qualité gustative peut parfois procurer un bonheur égal à celui d’un bon Vouvray muri dans la fraicheur d’une cave en tuffeau
La conclusion de cette histoire pourrait être que le (petit) bonheur est à ce prix : savoir s’adapter aux circonstances de l’heure, en jouir autant que faire se peut, sans exclure d’envisager le meilleur pour un peu plus tard, car tôt ou tard, on peut l’espérer, il viendra.
Pour découvrir notre parcours et ses sinuosités :
Parcours Openruner :
Quelques précisions sur la randonnée :
200,1 km – 1391 m de dénivelée : J’ai dû faire le tour du square proche de chez moi pour boucler le contrat, mes autres compagnons de route venant d’autres lieux dans Tours avaient déjà rempli le contrat.
Seulement 700ml de parcours commu, mais en sen sens inverse
Quasiment aucun hors parcours grâce au GPS et l’utilisation maitrisée d’Openrunner et de la cartographie IGN associée.
26 communes traversées : (par ordre d’apparition, comme au théâtre ce soir)
Tours – Saint Cyr sur Loire – Rochecorbon – Parçay Meslay – Chanceaux sur Choisille – Notre Dame d’Oé – Mettray – La Membrolle – Fondettes – Luynes – Saint Roch – Vouvray – Vernou – La Ville aux Dames – Montlouis – Veretz – Larçay – Saint Avertin – Chambray les Tours – Veigné – Montbazon -Monts – Ballan – Savonnières – La Riche – Saint Genouph
22 km/h : C’est pour mes compagnons et moi une vitesse de croisière convenant à note âge, à nos envies, à la période, aux conditions météorologiques et aux singularités du parcours.
C’est aussi une vitesse adaptée pour une personne débutant dans l’exercice et pour tout dire la vitesse, on s’en fout un peu !
Le rayon des 10 km : c’est à la fois une contrainte mais aussi je peux le dire une opportunité de voir autrement. Nous sommes tellement persuadés de connaitre tous les recoins que parfois nous négligeons de creuser pour trouver les richesses patrimoniales à notre portée.
Pour être honnête, nous avons légèrement enfreint cette sacro-sainte règle à de rares reprises, mais sans jamais dépasser le kilomètre de tolérance que nous aurait sans doute accordé un pandore bienveillant. La géographie est parfois plus contraignante que la loi dont nous avons respecté l’esprit.
Le parcours, comme si vous y étiez :
La cervoise Finale : Goudale et Cht’i, bières du nord de bonne dégustation
L’excellent gâteau au yaourt : la recette peut être obtenue en envoyant une requête sur le site auquel vous pouvez vous abonner gratuitement.
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2 réflexions au sujet de « DODÉCAUDAX du COVID »
Balzac n’a qu’à bien se tenir mon GG ! Tes descriptions sont bien moins longues et toutes aussi efficaces ! 😉
Super idée ! Que des coins que je connais bien mais avec une description qui me donne envie d’y retourner. 👍
Groupe sympa, « choses » simples, plaisirs partagés c’est le Cyclotourisme que l’on ne peut qu’aimer ! 💖