Givet / Épernay 171 km -1820m
Ça commence en douceur avant l’aube, par une piste cyclable d’une trentaine de kilomètres le long de la Meuse. Les branches cassées par le vent jonchent la piste et obligent à redoubler de vigilance pour ne pas faire d’écarts et tomber sur la rive ou pire, dans le fleuve.
Un peu avant Haybes, le crachin devient pluie. Voilà planté le decor de la journée.
Pour nous extraire de la vallée de la Meuse, à la sortie de Revin, il faut gravir une côte assez raide de 5 ou 6 kilomètres. Tandis que nous nous élevons laborieusement, nous ressentons de plus en plus les assauts du vent. Il souffle avec violence et ne fera que s’amplifier pendant toute la journée. Belle galère en perspective !
Bien que nous reduisons au minimum les arrêts, à la mi-journée, le retard est déjà conséquent.
Sur les routes de Champagne, j’ai l’impression d’être d’avantage un forçat qu’un cyclotouriste avec ce vent soufflant de face entre 35 et 40 km/h en continu et jusqu’à 65/70 km/h en rafales.
Aucun plaisir ! Juste l’envie d’avancer et d’arriver pour ne plus entendre ce souffle abrutissant
Dans ce paysage à mourrir d’ennui, dépourvu de végétation, j’en viens à me demander si l’absence de tout arbre n’est pas une volonté délibérée des autochtones, pour préserver les plus désespérés. Pas même un arbre où se pendre…
Les vagues reliefs de ce morne paysage, pas assez marqués pour abriter au moins momentanément, du vent, sont cependant suffisants pour nous casser les pattes.
Bref, vous l’aurez compris, la Champagne ne sera pas la destination de mes prochaines vacances ni des suivantes.
Même si en soirée les premiers vrais reliefs du vignoble semblent un peu plus attrayants, rien ne me fera changer d’avis d’autant que je n’ai aucune appétence pour les breuvages pétillants, fussent-ils aussi prestigieux que le Champagne.
Bref, une journée noire où je n’ai eu aucun plaisir à pédaler.
Epernay (51) / Joigny (89) – 154 km -1420 m
Cette journée ressemble étrangement à la précédente, avec cette fois des rafales annoncées entre 80 et 90 km/h.
Aussi, pour éviter de me lamenter sur les déboires de cyclos suffisamment stupides pour se lancer dans une randonnée hivernale dans d’aussi mauvaises conditions, je vais vous parler de la chance qui sourit parfois aux pieds nickelés de notre espèce.
Ce matin, sans doute mal réveillé, j’oublie dans la chambre d’hôte mon couteau suisse de randonneur, en l’occurrence mon téléphone portable. Contrairement à mes habitudes, je n’ai rien imprimé, ni mon pass sanitaire, ni les coordonnées de mes hébergements, ni mon billet de train pour le retour, ni la précieuse carte permettant de bénéficier de prix avantageux consentis par mon transporteur préféré, la S.N..F.
Michel, mon compagnon d’infortune n’a heureusement pas oublié son smartphone. Grâce à cet accessoire, j’appelle à la rescousse mon épouse. Avec célérité, elle parvient à contacter le propriétaire de notre gîte et à expliquer mon embarras .
Le propriétaire, fort serviable et devinant peut-être mon désarroi, nous contacte sur le portable de Michel. Il me propose de rapporter le mien à Anglure, à plus de 60 km d’Épernay. Avant midi, le couteau suisse est à nouveau entre mes mains. Bien évidemment, je dédommage et remercie très chaleureusement cette personne grâce à laquelle nous pourrons mener à terme la « randonnée du délire ».
À la nuit tombée alors que nous arrivons à Joigny, nous croisons par hasard notre hôtesse du jour, ou plutôt du soir. Craignant la fermeture du magasin où nous devons nous ravitailler, elle part sur le champ faire nos courses dans une grande surface éloignée de notre hébergement.
Grâce à elle, nous pouvons nous sustenter et reprendre quelques forces pour mener à son terme cette folle escapade.
À notre hôte d’Epernay comme à notre hôtesse de Joigny ainsi qu’à tous ceux qui nous permettent de vivre nos virées insensées, MERCI !