2020 – Eurodiagonale – MENTON – BARI (Italie)

Synthèse

  Trajet : Menton – Bari

  Dates : du 2 au 9 septembre 2020

  Distance : 1184 km

  Dénivelée : 11 982 m

  Participants :

Mevel Michel

Gauthier Gérard

  Homologation FFCT : à venir…

  Album photo

    Étapes
1 MENTON – GÈNES 178 km 1500 m
2 GÈNES – LUCQUES 182 km 2184 m
3 LUCQUES – ACQUAPENDENTE 204 km 2419 m
4 ACQUAPENDENTE – ROME 139 km 1333 m
5 ROME – PIETROVAIRANO 176 km 1485 m
6 PIETROVAIRANO – CANDELA 161 km 2161 m
7 CANDELA – BARI 144 km 900 m

 


  Feuille de route : Ouvrir  Télécharger

Comme pour la randonnée écossaise de 2019, j’ai rédigé en cours de route un compte-rendu publié de temps à autre sur ce site « gegediagonaliste ».

Ainsi nos proches, nos amis et quelques habitués du site ont pu nous suivre et être rassurés sur notre progression. Je vous le propose ici tel qu’il a été publié au jour le jour

 

1 – Prologue


Certains d’entre vous sont déjà informés de notre projet : Début septembre, nous débuterons cette randonnée qui doit nous conduire jusque dans les Pouilles, presque à l’extrémité de la botte italienne.

Prévue initialement en mai pour profiter de la légendaire beauté de la Toscane au printemps, ces Eurodiagonales ont dû être reportées en septembre du fait de la pandémie.

Comme l’an passé, lors de la virée écossaise, nous allons tenter un doublé.  Après avoir atteint la ville éternelle, Monte Cassino et rejoint l’Adriatique à Bari, nous prévoyons de remonter vers Menton.

Sur le chemin du retour, nous cheminerons au travers des Apennins, puis nous longerons le golfe de Gênes, après un bref passage à Pise, Sienne et au site de Cinqueterre. Au final si ce projet aboutit, notre escapade italienne nous vaudra de parcourir environ 2350 km et de gravir presque 27 000 m.

Présenté ainsi, ce projet ne semble être qu’une obsession de plus de « kilométrophages » bien décidés à se faire mal.

Mais notre but est autre : avaler des kilomètres pour le seul plaisir d’en cumuler le maximum n’a guère de sens à nos yeux. En revanche, rouler en Italie, terre que mes aïeuls ont dû quitter et où ils n’ont pas pu revenir, découvrir un peu mieux ce pays que ma grand-mère me racontait parfois alors que j’étais enfant, essayer de le sentir à la force du jarret, voilà des raisons autrement plus belles de se mettre en selle. Quant à Michel, le Bourbonnais « pur sucre » du duo, son attirance pour l’Italie n’est pas moindre que la mienne, puisque pour lui, ce sera une répétition d’une même randonnée tentée et réussie dix ans plus tôt : une sorte de retour vers ses jeunes années.

Alors si vous pensez que cette escapade au pays des « tifosis » peut vous intéresser, n’hésitez pas à consulter le site pour  nous suivre. Par des articles agrémentés de quelques photos, je tenterai , malgré une périodicité de publication incertaine, d’évoquer notre périple, de vous faire ressentir nos états d’âme et vous faire vivre par procuration aussi bien les moments enchanteurs que ceux où la lassitude finit par nous gagner.

L’idée n’est pas de relater des exploits, car il n’y en aura pas, mais de vous faire partager cette petite aventure en essayant de vous convaincre qu’elle est à la portée de beaucoup de cyclos. Nous savons que certains parmi eux, dont la condition physique permettrait d’entreprendre ces voyages au long cours, pensent à tort qu’ils sont réservés à quelques fêlés ou à des champions. Sans fausse modestie, je peux vous assurer que nous ne sommes que des cyclos ordinaires un peu obstinés, simplement décidés à pousser un peu plus loin pour vivre cette passion du cyclotourisme.

Quant à vouloir nous ranger dans la catégorie des champions, sachez simplement que nous totalisons 140 ans à nous deux, et qu’au départ nous pesons ensemble  un quintal trois quarts. Donc vous l’avez compris, nous n’avons décidément pas le profil de champions même si nous ne désespérons pas d’en avoir un jour la silhouette…

Histoire de patienter, jusqu’au mercredi 2 septembre, date de notre départ sur cette virée au pays de la mozzarella et de Michel Ange, je vous soumets ce petit problème :

8 années séparent les 2 membres du duo. Sachant que le cadet pèse 8 kg de plus que l’aîné, trouvez les âges et les poids respectifs de Michel et de Gégé ?

Le premier qui trouvera la bonne réponse gagnera un « ristretto » à consommer à Bari dans un bar de son choix avant le 08 septembre (afin que nous puissions régler le montant de cette royale récompense avant notre retour).

 

2 – Suite du prologue


Tour de France : un confirmé et deux aspirants

Normalement un prologue n’a pas de suite, mais je fais une exception.

Alors que nous sommes en route pour Menton, sur un parcours emprunté par Michel et moi sur nos diagonales, nous dépassons deux cyclos bien chargés. Nous pressentons qu’ils pourraient bien appartenir à notre confrérie, ou pour le moins avoir été vaccinés avec un rayon de vélo.

Nous nous arrêtons pour les saluer. Avec un bel accent franc-comtois, Ils nous disent être sur le Tour de la France (pour les initiés, celui de l’U.S Métro).

Michel qui a réussi en solitaire ce formidable challenge de 4800 km et d’une cinquantaine de cols, quelques années plus tôt, les encourage. L’un des deux cyclos est diagonaliste. En poursuivant notre conversation, je réalise qu’il est parent avec un des voisins de ma grand-mère italienne dont je vous ai parlé.

Autre surprise, Mathieu un ami cyclo un peu perdu de vue ces dernières années se manifeste par un commentaire sur le site. Ses grands grands-parents, comme les miens avaient émigré en 1930, et aussi incroyable que cela puisse paraître, ils venaient aussi de la province de Bergame et étaient originaires du même village de montagne Berbenno, sur les hauteurs du lac de Côme !

Tant de coïncidences laissent, je l’espère, augurer une belle randonnée. Décidément le monde est petit !

Je vous raconterai le début de notre périple un peu plus tard. Il faudrait pour cela disposer d’un peu plus de temps pour rédiger. Promis, nous allons mettre les bouchées doubles pour arriver un peu plus tôt, mais l’Italie est plutôt bosselée.

Entre la pizza qui vient enfin d’arriver sur notre table et cette prose écrite à l’arrache, je lâche le clavier pour la fourchette. On ne se refait pas !

 

3 – Un peu de patience


Je vous avais dit que la périodicité de mes publications serait aléatoire. Dans la pratique, la rédaction quotidienne est dans les conditions présentes très difficile à assurer en raison des heures tardives auxquelles nous avons bouclé nos trois premières étapes. Le choix est simple, soit nous dormons au moins cinq heures, soit je vous relate les diverses péripéties.

Sachez simplement que chaque jour, même tardivement, nous sommes toujours arrivés à bon port. Ce soir nous sommes à Acquapendente dans la province du Lazzio à 140 km au nord de Rome où nous arriverons demain après-midi.

Je prendrai le temps de vous donner nos premières impressions sur cette chevauchée vers Rome dès que nous y serons arrivés.

En attendant pour vous faire patienter, je vous livre en vrac quelques photos destinées à vous donner un petit aperçu du début de notre randonnée.

 

Sur la côte ligure, vers Imperia
Un air de vacances sur la Riviera ligure

 

Pause « gelatti », sur la picte cyclable – Environs de Verazze

 

Sur le port de Gènes
Halte sur la place du Campo – Sienne
La Toscane en Septembre

 

4 – Tous les chemins y mènent…


Au km 696, nous avons enfin atteint la ville éternelle. Et pourtant même avec un GPS, ça relève parfois un peu du prodige, puisqu’il fallait deviner la possibilité d’emprunter un passage souterrain dans une gare de la banlieue romaine pour traverser un plat de nouilles constitué par un échangeur routier doublé d’un nœud de voies ferrées ! Quand les ingénieurs routiers et ferroviaires s’en mêlent, l’écheveau est parfois dur à démêler…

Mais une fois ce casse-tête résolu grâce à un romain d’adoption, venu de sa lointaine Afrique, nous avons pu pénétrer au cœur de la ville par une piste cyclable longeant les rives du Tibre sans presque rencontrer une seule voiture.

La ville que nous ne faisons qu’entrevoir me fait une forte impression tant la trace de son passé antique est prégnante. Au cours de mes voyages passés sur le pourtour du bassin méditerranéen, jamais je n’ai vu parmi les monuments du monde romain un tel gigantisme. Quelle civilisation !

Mais avant d’arriver à Rome, nous avons pu nous imprégner de ces paysages et de ces villes où le talent des bâtisseurs italiens s’expose un peu partout.

L’ambiance de cette randonnée est très changeante, tantôt nous roulons facilement dans des zones très apaisées comme sur la côte ligure en parcourant une piste cyclable construite en bordure de mer à l’emplacement d’une ancienne voie ferrée désaffectée. À d’autres moments alors que nous peinons dans l’ascension du col de Braco, qui ouvre l’accès à la Toscane, nous pouvons goûter, malgré l’effort, à la quiétude de paysages sylvestres. Parfois, nous nous retrouvons dans un enfer automobile qui met nos nerfs à vif et nous épuise plus que l’effort physique. Dans de nombreux endroits nous devons rouler dans de longs tunnels. Heureusement ces moments stressants qui réclament une vigilance accrue sont rares et compensés par toute la beauté des paysages environnants.

Si l’allure imposée par le relief toujours très chahuté est souvent propice pour contempler les paysages, le rythme de notre chevauchée ne nous laisse en revanche guère le temps de la découverte des villes et villages que nous traversons. Il me semble que cette Eurodiagonale me laissera un sentiment de très grande frustration tant j’ai l’impression que l’essentiel de l’Italie nous échappe…

Le voyage se poursuit dans de bonnes conditions avec une météo assez favorable, si ce n’est un violent orage le premier jour . Il nous a surpris au nord de Gênes sans que nous puissions échapper aux trombes d’eau qui se déversaient comme pour éprouver notre détermination. Pour le reste, nous connaissons les aléas que connaissent tous les randonneurs : crevaisons à répétition (cinq dans une même journée), un GPS qui flanche définitivement, mes sacoches catapultées sur la route à trois reprises. L’état des routes italiennes, surtout sur le réseau secondaire, est souvent à l’origine de ces incidents qui auraient pu avoir des conséquences graves. Mais un à un, ces problèmes se règlent. Confrontés à ces contrariétés, chacun  réagit avec son tempérament, Michel reste d’un calme imperturbable, moi je vocifère. Au final, je pense que la méthode de Michel est plus efficace que la mienne, mais ça me soulage.

Nos retards à répétition nous ont  empêché d’être entendus longuement en confession par un Monsignore un peu trop pressé d’aller regarder l’étape du tour de France. Michel, premier à se soumettre cet acte d’humilité, a été absous de toutes ses fautes. Quant à moi, devinant que l’exercice allait durer, le confesseur a demandé de me limiter aux fautes de la semaine écoulée. En résumé, j’ai énuméré les sept péchés capitaux en excluant la luxure et la paresse. Demain les sacoches seront moins lourdes !

Le Monsignore paraissant à peu près convaincu de ma sincérité, m’a simplement dit  » Allez en paix, mon fils » et je crois bien que je vais suivre ce conseil. AMEN !

 

5 – INDESIT, ouvre-toi !


En conquérants, nous arrivons à Rome. Après avoir composé moult codes, pour atteindre notre meublé perché au cinquième étage, nous devons utiliser un ascenseur qui pourrait figurer à l’inventaire des monuments historiques. La cabine est si exiguë que nous ne pouvons installer qu’un seul vélo redressé à la verticale, à condition d’avoir préalablement démonté la roue avant. Puis pour pouvoir fermer la grille et les demi battants, l’unique occupant doit rentrer le ventre et se contorsionner. Ainsi recroquevillé, il peut alors espérer pouvoir propulser l’antique machine vers les étages. Le plus étonnant, c’est qu’il finit par y arriver.

La Plaza Santa Maria Maggiore vue de notre perchoir !

Une fois débarqués à notre étage, du haut de notre perchoir, nous découvrons la place Santa Maria Maggiore, bordée d’élégantes constructions qui font face à une colonne plantée en son milieu. Outre cette situation privilégiée, cette location dispose d’une cuisine équipée et d’une machine à laver Indesit multiprogrammes avec essorage à 1200 tours. Finalement le bonheur est à portée de main…

Effet de la pandémie, nous sommes seuls dans notre location. Téméraires, et surtout sans indications pour l’utilisation des appareils domestiques, mais conscients que l’odeur d’effort qui nous colle à la peau nous rend peu fréquentables, nous entreprenons une lessive. Malheureusement, la machine semble rétive à un démarrage immédiat.

Faute de lessive en poudre, nous arrosons copieusement notre linge de liquide à laver la vaisselle en espérant que le départ différé de trois heures nous permettra de nous rhabiller avec une odeur de propre. Confiants nous partons visiter Rome et nous sustenter.

À notre retour, trois heures au moins se sont écoulées, mais la machine n’a pas tourné. Nouvelle tentative et consigne à Michel, très petit dormeur, pour sortir le linge en pleine nuit et l’étendre sur notre lit à baldaquin…

Vers une heure du matin, Michel a déjà son compte de sommeil. Il se lève et tente de s’acquitter de sa mission de « lingère ». Bien que le linge soit toujours aussi sec et aussi sale, il nous est impossible de le récupérer.  Nous avons beau insister, le hublot de la machine refuse désespérément de s’ouvrir. La perspective de devoir terminer la diagonale en petite tenue et d’abandonner notre linge ici ne nous enthousiasme guère. Pour essayer de reprendre en main la machine rebelle, nous la débranchons. Mais rien n’y fait, l’Indesit récalcitrante garde nos tenues en otage !

Tandis que nous réfléchissons pour essayer de nous sortir de ce mauvais pas, nous entendons des conversations bruyantes provenant du palier. Michel vêtu de son seul slip sort et demande de l’aide aux jeunes occupés à fumer des pétards devant la cage d’ascenseur. Pour exposer notre problème, il mime avec les bras la rotation du tambour en répétant avec un ton désespéré « machine à laver, machine à laver ». Malgré tous ses efforts, ne parvenant pas à atteindre la cadence des 1200 tours de l’Indésit, il reste incompris….

Lavés de toutes nos fautes par notre confession de la veille, il ne nous reste plus qu’à espérer que le très haut nous prendra en pitié et qu’un miracle nous permettra de récupérer nos drilles. Tant que le hublot reste bloqué, l’inquiétude dure. Mais à la fin de la temporisation le miracle se produit : le loquet magnétique se débloque et nous libère de nos angoisses.

J’en suis quitte pour entreprendre à cette heure avancée de la nuit une lessive à la main, suivie par une douche en tenue de cycliste pour assurer le rinçage. Pour sécher le cuissard et le maillot, je table sur la chaleur animale animale et revêt mes oripeaux cyclistes en guise de pyjama. Allongé sur une serviette éponge déployée sur le lit, j’essaye de reprendre le cours de mes rêves dans la tiédeur de la nuit romaine.

Certains penseront que nous sommes vraiment des caricatures de machos, peu portés sur les tâches domestiques et ils auront sans doute raison…

des Cyclos secourables…

Je vous l’ai dit, hormis celles de la Riviera ligure, les routes sont dans un état déplorable. Elles ont eu raison de notre réserve de chambre à air. Alors tels des mendiants, toute honte bue, nous n’hésitons pas à solliciter un groupe de cyclos pour qu’ils nous en cèdent une. Généreusement ils nous l’offrent. Pour marquer ce moment de solidarité cycliste, nous prenons une photo de groupe.

 

Banlieue de Rome :  la vierge Marie et Mickey cohabitent !

Pour sortir sans encombre de l’agglomération romaine pourtant tranquille ce dimanche, nous avons choisi d’enfourcher nos montures dès cinq heures du matin. Cette « stratégie » se révèle pertinente.  Au delà des banlieues tristes et sales, vite oubliées, une route  monotone et interminable nous conduit à Cassino au pied du mont où les alliés se sont affrontés  aux forces allemandes pour ouvrir la route vers Rome pendant la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui la ville est déserte, incroyablement silencieuse.

Nous devrons peiner encore une quarantaine de kilomètres contre le vent contraire qui s’est levé avant d’atteindre Pietrovairano, notre étape du jour.

 

6 – « Strada chiusi » : Passera, passera pas ?


Madame Fernanda, notre hôtesse de Pietrovairano, qui maîtrise avec aisance les commandes des machines à laver les plus complexes, nous a rendu un linge enfin débarrassé de nos sudations malodorantes. Merci à cette experte de la propreté mécanisée !

Vaillants comme jamais, nous réussissons pour une fois à prendre de l’avance. Le mental au beau fixe, les belles dénivelées promises sur le passage ouest-est entre Benevento et Candela sont avalées, non sans effort, mais elles ne parviennent pas à nous mettre à mal physiquement. Une première bosse de 450 mètres assez pentue avec des passages à 10%, suivie par une seconde de 250 mètres un peu moins ardue à encaisser malgré la chaleur, nous donnent l’impression d’être invincibles.

Mais la réalité nous rattrape avant la troisième bosse, dans une descente vertigineuse. Elle pique vers le fond de la vallée avec des pentes voisines de 25%. Le revêtement est parmi les plus défoncés que nous ayons pu voir de toute notre vie de cycliste ! Pour progresser sans chuter, nous devons serrer à bloc les deux freins, les relâcher à peine quelques secondes avant de recommencer. Les sensations doivent être proches de celles qu’éprouverait un skieur novice lâché sur une piste noire. Pareille situation ramène les cyclistes invincibles que nous croyions être à un peu plus d’humilité.

Après le départ des ouvriers, nous forçons le passage…

Plus loin dans un étranglement d’une vallée encaissée, qui laisse à peine passer la rivière et une voie ferrée, nous sommes soudainement arrêtés. La route est barrée par des dispositifs en béton et des grilles. Nous tentons de négocier notre passage auprès d’un responsable du chantier, mais il nous oppose un refus catégorique. Les pierres et les blocs de rocher dégagés par les ouvriers sur le versant qui domine la route, dévalent la pente, viennent rebondir sur la chaussée avant d’être arrêtés contre les glissières de sécurité dans un fracas métallique assez effrayant. Nous voilà définitivement dissuadés de passer !

Comme le détour par la montagne est long et très relevé, il ne nous paraît pas raisonnablement pas envisageable. Aussi, nous choisissons de rester sur place et d’attendre la débauche des ouvriers pour tenter un passage. Une heure plus tard, ils partent et nous pouvons alors zigzaguer entre les rochers, les pierres et les éclats qui jonchent la chaussée.

La nuit en sera écourtée d’autant. C’est une péripétie classique à laquelle beaucoup de nos camarades cyclos ont été confrontés un jour ou l’autre sous diverses formes. Par chance, il nous reste encore des jambes après ce premier millier de km parcourus. Enfin, nous atteignons le terme de notre étape à une heure relativement convenable au regard de nos besoins de sommeil.

Demain ce sera Bari, et si nous nous fions aux météorologistes, Éole nous poussera au cul. Pourvu qu’ils disent vrai !

 

7 – Maintenant, vous pouvez crever !


C’était le slogan de la marque « Rustines » imaginé par Monsieur Rustin, génial inventeur du procédé qui a sauvé la mise à bien des cyclistes. Mais de nos jours, il est rare de voir un cyclo réparer au bord de la route. C’est pourtant ainsi que nous avons pu repartir après de nombreuses crevaisons et épuisement complet de notre réserve de chambres à air.

Aujourd’hui, notre première intervention a eu lieu vers cinq heures du matin, alors que nous avions parcouru à peine une quinzaine de kilomètres. Contraints à partir avant l’aube pour tenir le délai, sur un parcours empruntant les routes blanches de la carte Michelin, nous avons pu prendre la mesure de cette erreur logistique. J’ignorais en définissant la trace, le piège que je nous avais tendu. L’état pitoyable du réseau italien surtout dans ce sud profond des Pouilles est à peine imaginable. Les routes en certains endroits sont si détériorées qu’elles ressemblent davantage à des pistes de chantier qu’à des voies praticables. Après bien des crevaisons, parfois à peine espacées de quelques hectomètres, nous décidons de nous détourner vers Andria dans l’espoir de trouver un magasin susceptible de nous fournir les précieuses chambres à air.

En pareilles circonstances, le paysage nous indiffère. Toute notre énergie et nos pensées sont tournées vers un but unique, aussi terre à terre soit il aux yeux de quiconque n’est pas un cycliste dans la panade.

Par chance, dans la l’atelier d’un réparateur de tronçonneuses et accessoirement de cycles, nous avons pu dégoter un des objets convoités. Évaluant la probabilité de nouvelles avaries, nous n’imaginions pas de repartir en nous contentant de cette pièce unique, aussi neuve soit-elle.

Avec Pastore Sport, on s’en sort !

Je vous passe les détails, mais sachez que pour cette opération « SOS cyclos en détresse » le patron de l’atelier, son employé, la fille et le père du patron ont contribué à nous tirer d’affaire. Un grand merci à Antonio Pastor, à son employé et à sa famille qui ont vraiment été heureux de nous aider.

Ragaillardis et heureux d’avoir rencontré des personnes d’une telle sollicitude, nous avons repris notre route, en choisissant un itinéraire beaucoup plus « camionneux  » mais presque praticable.

Vous penserez peut-être que parcourir de telles distances et se satisfaire de situations aussi insignifiantes n’a guère de sens. Sachez simplement que ces détails sans importance nous ont permis de réussir la première partie de notre challenge et que ce petit bonheur tient parfois à la gentillesse qu’on nous témoigne.

Au passage, je remercie mon compagnon de route qui par ma faute a dû affronter cette suite d’incidents. Même si ses craintes allaient crescendo, jamais il n’a manifesté son irritation et il ne s’est jamais départi de son calme. C’est à ces signes que l’on reconnait la qualité d’un équipier et que grandit l’amitié.

Sachez aussi qu’à 74 ans, il boucle sa troisième Eurodiagonale italienne et s’apprête déjà à se lancer cette nuit sur sa quatrième.

Soyons fous…

 

BARI – MENTON

8 – Abandon à Foggia


Puisque vous avez été nombreux à nous suivre et à nous encourager en parcourant ce blog, je me dois de vous informer à regret que l’Eurodiagonale retour Bari/Menton restera inachevée.

Elle s’est arrêtée à Foggia dans les Pouilles, 135 km après notre départ, en raison d’un événement familial qui m’impose de revenir précipitamment auprès des miens. Michel, solidaire jusqu’au bout a choisi de ne pas poursuivre seul, afin de me faciliter un retour rapide à la maison. Je ne peux que le remercier.

Mais puisque vous avez été fidèles comme l’an passé à subir ce petit laïus presque quotidien, je vais vous entretenir aujourd’hui de l’abandon dont les raisons peuvent être multiples et variées.

Lorsqu’un cyclo est contraint à renoncer, c’est toujours justifié, rarement de gaieté de cœur et jamais au bon endroit.

Il doit alors organiser son retour. Le vélo chéri, bichonné, devient un fardeau intransportable banni de presque tous les transports publics. Il faut alors beaucoup improviser, établir sur des bases que l’on ne maîtrise pas une solution de retour.

L’abandon fait partie intégrante du défi. C’est une éventualité de tous les instants : casse de matériel, défaillance physique, accident, conditions météorologiques extrêmes, événements extérieurs, sans oublier un motif tout aussi valable que les autres : un « mental dans les chaussettes », à propos duquel personne n’a le droit d’ironiser.

Finalement un abandon avec un retour par les moyens du bord est un exercice à l’opposé de celui d’un programme de diagonale pour lequel tous les choix et actions sont mûrement évalués avant d’être validés, puis suivis au plus près tant que cela reste possible.

Notre retour improvisé illustre le type de situation à laquelle un cyclo peut être confronté pour organiser le retour suite à un abandon. Les obstacles ne relèvent pas seulement des difficultés de transport, mais aussi de la communication. Comment se faire comprendre précisément pour éviter toute nouvelle complication ?

La barrière de la langue est certes un obstacle à cette compréhension mutuelle, mais elle est presque toujours surmontable avec le langage universel de la courtoisie et du sourire.

Ainsi, notre retour assez compliqué, avec sept changements de train, s’est trouvé résolu presque instantanément grâce à une guichetière très performante qui possédait quelques rudiments d’anglais et à un policier qui nous a accompagné sur le quai du train en partance dix minutes plus tard pour notre première destination. Sans eux nous étions condamnés à tourner jusqu’au lendemain à Foggia, joli port de pêche perdu au milieu des terres de l’immense plaine ventée des Pouilles.

Le second facteur qui intervient dans la mise en place d’une logistique de substitution est la chance. Considérer qu’une solution existe est déjà une amorce de résolution d’un problème.

Cette manière d’envisager le déroulement possible des événements permet de toujours avancer. Et souvent, force est de constater que ça marche ! Sur ce point cette approche est un peu la même que celle d’un voyage au long cours. Une suite de petits objectifs pour atteindre le but. Surtout, garder le cap quitte à zigzaguer pour aller chercher le vent de travers. Les grands navigateurs ne progressent pas autrement…

Enfin, le recours aux objets connectés peut-être d’un précieux secours à condition de les utiliser à bon escient : pour informer l’entourage, pour régler les problèmes d’intendance ou localiser les services auxquels il faut recourir : hôtellerie, réparation transport.

En conclusion, ne pas avoir d’appréhension permet de partir le cœur léger et de revenir si possible entier par des chemins, mêmes imprévus. Tous mènent à Rome. Mais ils en repartent aussi…

C’est sur un de ces chemins, entre et Rome et Pise que je vous écris. Celui-ci est en fer et ça roule aussi !

 

Néanmoins, vous pouvez télécharger la feuille de route prévue (Bari – Menton)


  Feuille de route : Ouvrir  Télécharger




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