2009 – Les déjantés de la Bussière

Ce récit relate l’une des traditionnelles sorties organisées sur plusieurs journées par notre club UCT. Chaque année, aux premiers beau jours, nous roulons au delà des frontières de la Touraine pour découvrir les régions limitrophes, où nous séjournons brièvement dans une ambiance très conviviale. Pour les novices, ces sorties ont déjà un petit gout de  voyages au long cours. 

 

5 mai 2009 : TOURS – LA BUSSIERE

Levés aux aurores ou presque, les 34 cyclos et cyclotes se mettent en route pour la première sortie au long cours de l’année.
L’uniforme jaune adopté par l’armée de pédaleurs et pédaleuses, montre aux moins chanceux (je veux parler de ceux qui partent travailler) que l’UCT part en campagne.
Une fois n’est pas coutume, ce matin-là, les vétérans et les futurs vétérans se retrouvent sur le même pas de départ avec un objectif commun : rejoindre en soirée « La Bussière » dans la vallée de la Gartempe et s’offrir une belle partie de manivelles
L’escouade des quatre vaillants anciens, encadrée par le général Noé, a arrêté sa stratégie : la trace sera plus directe que celle des « jeunots ». Un ravitaillement en vol est prévu à Barrou. Le général, fin stratège, sait que le guerrier est plus combatif lorsque sa musette est pleine.
Pour les autres, le maître de cérémonies Christian a concocté une feuille de route avec un profil suffisamment chahuté pour calmer les plus fougueux et assez apaisé par endroits pour contenter les moins affamés de grimpette.
Cap au sud : Veigné puis Tauxigny, Esves-le-Moutier, Charnizay puis Martizay avec une descente affolant le compteur qui descend plus vite que nous ne remontons la côte. Vous me suivez ? Non…
Alors je recommence : à Martizay, une folle descente suivie d’une terrible côte. Le compteur monte quand on descend et il descend quand on monte. C’est pourtant simple ! Sachant que la côte descend quand on la prend dans l’autre sens, que fera le compteur quand on abordera la descente qu’on avait d’abord montée ? Question de bon sens !
Rendez-vous à Martizay pour ceux qui voudraient d’avantage d’explications…
Au-delà commence la Brenne. Jean-Jacques Kersalé, le marin de service, évoque en la traversant ses « pédalées » solitaires alors qu’il était en poste à Rosnay quelques décennies plus tôt. Notre « loup des mers » explique que la Royale n’a jamais eu la moindre escadre de pédalos dans l’Indre. L’unique raison de la présence des marins dans cette contrée continentale tient à la multitude d’étangs favorisant la propagation des ondes radio.

Halte repas en Brenne, sur la route de La Bussière (86)

A Rianvert, au cœur de la Brenne, une longue tablée a été installée à notre intention sous l’auvent dans une auberge habituellement fréquentée par les pêcheurs.
« Petit Louis » et un Breton… à la pancarte !
« Petit Louis », en tacticien habile, se ménage pendant le repas. Sans rien laisser paraître il observe les failles potentielles qu’il pourra exploiter lorsque l’heure sera venue : tel champion, à la digestion laborieuse, s’est resservi trois fois alors que ce dangereux sprinter somnole en exposant sa calvitie aux rayons du soleil de midi.
« Petit Louis » en est maintenant certain, il faut attaquer en sortie du virage, à 152 mètres de la première maison. Là, si son plan marche, il décrochera le trophée de la pancarte de Pouligny-Saint-Pierre…
Dans le peloton de cyclistes repus, personne ne se doute de la tactique mitonnée par le futur champion.
Mais l’appât d’une prime alléchante lancée depuis l’arrière vient finalement anéantir pour un temps les espoirs de notre compétiteur. C’est un Breton, à fière allure, dont je tairai le nom pour garder la sérénité de l’assemblée ucétiste, qui surgit du peloton avec l’énergie d’une bombe atomique et franchit triomphalement la ligne d’arrivée. Imparable !
Après ces émotions sportives, c’est le quart d’heure culturel dans le cadre de l’abbaye bénédictine de Fontgombaut où nous méditons un instant en contemplant les croisées d’ogives de la nef.
Tandis que notre vainqueur breton savoure intérieurement sa victoire, l’équipe repart.
En retrait « Petit Louis » se prépare mentalement à prendre sa revanche sur le compatriote de Robic et de Bobet.. La douceur angevine est parfois trompeuse !
Nalliers approche : les bornes s’égrènent à rebours : 4 km, 3 km, plus que 2 km… Imperceptiblement « Petit Louis » se rapproche du Breton, il n’est plus qu’à 257 m de la ligne fatidique…C’est maintenant ou jamais !
À dix tours de roue du panneau, le Breton garde encore l’avantage de l’épaisseur d’un demi-boyau. Alors, dans un sursaut d’énergie « Petit Louis » enclenche le 53/11, ses jambes tournent à 150 tours-minute ! Comme catapulté, il franchit la pancarte de Nalliers, d’abord celle de l’entrée et presque aussitôt celle de la sortie de cette petite cité poitevine. Loïck, (oups… tant pis ! je l’ai dit) son concurrent malheureux, s’incline.
Un champion est né : le « vainqueur de Nalliers » vient de rentrer dans la légende.
Et nous en le suivant à distance respectable, nous arrivons à La Bussière où nos anciens se sont déjà installés dans les chalets qui dominent la Gartempe.
A table, nous questionnons « Petit Louis » pour découvrir le secret de son exploit. Harcelé de toutes parts, le champion finit par nous confier qu’il puise sa force… dans les nouilles !
Voilà pourquoi, ce soir-là, à La Bussière, 34 cyclistes ingurgitent 29 kg de pâtes à la carbonara (fait authentique : je l’écris pour les générations futures qui chercheront à comprendre la genèse du triomphe du vainqueur de Nalliers).
La soirée est clôturée par un mémorable tournoi de baby-foot avant l’échange de boules « Quiès ».

6 mai : LA BUSSIERE – TOURS

Le soleil joue relâche ce matin-là, alors que nous remontons la vallée de la Gartempe. Le GPS habituellement infaillible de Christian se met en veille et nous vaut la visite d’un hameau ou la dernière invasion remonte à… Charles Martel ! Un indigène nous remet dans le droit chemin.
Dans la brume matinale, nous entrons à Angles-sur-l’Anglin où nous découvrons les maisons aux toits de tuiles dominées par les ruines imposantes du château. Les collectionneurs de BPF partent en quête de leur tampon, tandis que le gros de la troupe se contente d’admirer le moulin à aubes au pied du château. Après une escapade vers le belvédère, un passage à la librairie s’impose pour acheter « L’Equipe ». Un peu dépités, nous constatons que le journal a été mis sous presse trop tôt pour relater l’exploit de la veille.
A La Roche-Posay, étape ravitaillement : viennoiseries pour les uns et rosé pour certains sceptiques sur les bienfaits potentiels de l’eau ferrugineuse.
Vers la fin de la remontée du val de la Creuse, le soleil daigne enfin se montrer.
A Saint-Rémy-sur-Creuse, nous sommes quelques-uns à nous aventurer vers le coteau pour approcher les maisons troglodytiques qui hantent la falaise. Une belle descente (une de celle qui fait monter le compteur, vous me suivez…) nous conduit aux Ormes où nous déjeunons.
L’après-midi, nous remontons la vallée de la Vienne où malgré un vent souvent contraire nous roulons à belle allure avec un peloton qui tantôt s’étire, tantôt se rassemble. On sent que ces deux journées ont raffermi les mollets.
Même les deux petites nouvelles parviennent à tenir ce rythme soutenu jusqu’à l’ultime halte.
C’est là au sommet de la côte du Crochu que nous retrouvons le président du club venu à notre rencontre avec sa nouvelle monture. Le retour vers le palais des sports se fait alors à une allure plus raisonnable, celle qui sied à une escorte présidentielle.




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